Cet album des Television Personalities n'en est pas vraiment un puisqu'il empile (plus qu'il ne compile) différents enregistrements du groupe, singles, chutes et titres non sortis. En tout cas, il se présente comme leur troisième album et propose un beau panorama des capacités et de la singularité de celui-ci. Marrant comme parfois ce genre de compilation se révèle plus adéquat que les albums officiels chez certains artistes.
La pochette est définitivement psyché sixties et donne un bon premier indice sur le groupe. Pas tant au niveau des effets sonores que plutôt sur l'état d'esprit général des compositions. On a certes, sur "King And Country", une guitare sur la fin du titre qui singe délibérément celle des Byrds de "Eight Miles High" mais l'important n'est pas là.
Un autre indice est d'ailleurs donné avec le titre "When Emily Cries". On ne nomme pas impunément un titre avec ce prénom qui rappelle invariablement Syd Barrett. Seulement, fini de jouer pour Emily: l'heure est aux larmes. Et, de fait, Television Personalities, loin d'être purement rétrograde dans ce jeu sixties, va réinventer le langage psyché pop innocent des années 60 pour le mettre à l'ordre du jour des plus dures et cyniques années 70 et 80. D'où, par ailleurs, le nom du groupe...
Le constat s'impose alors à l'écoute: le groupe allie constamment une évidente joliesse mélodique à un désenchantement permanent. De plus, il sabote même sa verve mélodique en introduisant distance et ironie dans l'interprétation. Vous avez tout ça jusque dans leur reprise du "Making Time" de Creation. Surtout que la production, basse du plafond, volontairement sourde et étouffée, noie constamment les mélodies en empêchant le chant de sortir au grand jour. Ce dernier peine à affleurer sous les coups de butoir des instruments, d'un amateurisme, quant à eux, assumé voire profondément déterminé.
C'est que le punk est passé par là ("14th Floor"). Mais dans cet équilibre délicat et inconsistant qu'a trouvé le groupe se dénichent des fragrances convaincantes voire enivrantes, de la ballade au rock le plus électrique. Moins boutonneux qu'à ses tout débuts, le groupe réussit ici souvent à allier ses deux tendances schizophrènes. Et pourrait même en remontrer à ses contemporains comme l'instrumental "Flowers For Abigail" qui touche la corde sensible de Cure sans la pose et les afféteries.
Ça ne marche pas toujours ("Psychedelic Holiday" rate la cible) mais c'est quand-même bien souvent le cas. Et, alors, cette musique trouble, où il faut chercher sous la boue toute la beauté, peut soudain provoquer bien des frissons. Cynisme et humour noir ne sauraient dissimuler une profonde sensibilité, trop dérangée et pudique, ou trop consciente de sa propre fragilité dans ce monde impitoyable, pour sortir en plein air. Allez fouiller dans les coins de la cave et vous trouverez des trésors. C'est tout l'enjeu de cet album finalement superbe qui pourtant s'évertue à s’abîmer. Pas facile, il demande à l'auditeur d'aller au-delà des apparences. A l'heure actuelle, ce genre de message ne peut que me combler d'aise.